Programme du Colloque



XVIIIème Colloque de l'Aidelf

Alice Olivier Ined/ Sciences Po, France

Des garçons dans des « études de filles » : configurations familiales et dispositions à l'orientation atypique vers l'enseignement supérieur.

Résumé:
Malgré la volonté de l'État français d'encourager la mixité des filières d'études, de très fortes disparités entre les sexes perdurent dans les choix d'orientation (MENESR-DEPP, 2015). Gageant que les exceptions statistiques constituent un point d'observation stratégique sur les normes (Mercklé, 2005), je m'intéresse dans mes travaux à la présence d'hommes dans deux filières de l'enseignement supérieur très féminisées : sage-femme et assistant-e de service social. Cette communication se penche sur les conditions familiales (Bertrand et al., 2014) de tels parcours atypiques : qu'est-ce qui, dans leurs configurations familiales, peut disposer (Lahire, 2002) ces hommes à s'orienter vers ces filières ? J'argumente que ces conditions familiales sont plurielles, variant à la fois d'une filière à l'autre mais aussi au sein d'une même filière. Je montre que selon la socialisation de genre et de classe que ces hommes ont connue au sein de leur famille et selon les aspirations scolaires de leurs parents qui y sont associées, ils développent des dispositions familiales particulières; ce sont ces dispositions qui, soumises au contexte spécifique de leur choix d'études, forment les conditions familiales de possibilité de leur orientation atypique, laquelle n'est alors pas dotée du même sens pour tous. Après un cadrage statistique sur les origines sociales des étudiants hommes sages-femmes et assistants de service social, je mobilise 60 entretiens semi-directifs pour distinguer quatre types d'hommes : - Pour un premier groupe, des origines sociales favorisées marquées par une forte dotation en capitaux culturels, une socialisation familiale relativement neutre en termes de genre et des aspirations scolaires parentales caractérisées par une domination des visées expressives forment les conditions familiales rendant possible l'orientation atypique. La famille accompagne le choix d'études. - Pour un deuxième groupe, les conditions familiales de l'orientation atypique se saisissent à la croisée d'origines sociales peu favorisées et tournées vers le secteur des services, d'une socialisation familiale relativement neutre en termes de genre et d'aspirations des parents à l'ascension sociale. La famille soutient le choix d'études. - Pour un troisième groupe, la socialisation genrée différenciée connue dans le cadre familial ne dispose pas à l'orientation vers la maïeutique ou l'assistance de service social. Pourtant, des origines sociales peu favorisées et les aspirations des parents en termes de sécurité d'emploi, soumises à la contrainte de se réorienter, forment les conditions familiales permettant l'orientation vers ces filières. Par pragmatisme, la famille accepte le choix d'études. - Pour un dernier groupe d'enquêtés, ni la socialisation familiale différenciée en termes de genre, ni les origines sociales très favorisées, ni le fait que les parents aspirent à une maximisation des positions sociales ne disposent à l'orientation atypique. Mais, dans le contexte d'une réorientation contrainte, et parce que la maïeutique et l'assistance de service social peuvent être des portes ouvertes sur des formations plus prestigieuses, la famille tolère ce choix d'études.

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Contexte familial de la (non)-scolarité
mercredi 22 juin 2016