Programme du Colloque



XVIIIème Colloque de l'Aidelf

Svetlana Russkikh Ined, France

Politique familiale en Russie depuis 2007 : retour à la famille « traditionnelle » ?

Résumé:
Mon analyse portera sur l'évolution de la famille en Russie en rapport avec la politique nataliste récemment mise en place. Je montrerai que cette politique, qui tente de construire un modèle familial « traditionnel », entraîne paradoxalement des changements socio-démographiques en faveur d'un modèle familial plus « moderne » (famille nucléaire, monoparentale, recomposée). Depuis la chute de l'URSS, la Russie traverse une crise démographique due au non renouvellement de sa population. Le recensement de 2010 montre que, depuis 1991, celle-ci a diminué de plus de 5 millions d'habitants. Pour résoudre cette crise démographique, le gouvernement introduit en 2007 une nouvelle politique familiale, afin d'encourager les familles à avoir plus d'enfants. L'un des instruments de cette politique est le programme du « Capital maternel ». Il s'agit d'une allocation d'environ 7 000 euros, accordée aux femmes à la naissance de leur second enfant. Cette nouvelle politique repose sur une idéalisation du modèle de la famille traditionnelle, défini par le gouvernement (dans la Conception démographique pour l'année 2025) selon les trois critères suivants : i. couple hétérosexuel marié ; ii. 2-3 enfants ; et iii. cohabitation intergénérationnelle. La valorisation de la famille traditionnelle se traduit par différentes actions menées par l'Etat, notamment : i. la proclamation d'une année de la famille ; ii. la décoration des parents avec trois enfants et plus ; et iii. la mise en place au niveau fédéral d'un projet « Renforcement des liens familiaux » [Krepkaja sem'ja]. En m'appuyant sur deux enquêtes de terrain, réalisées entre 2013 et 2014 en Russie (République d'Oudmoutie et République du Tatarstan), je vais montrer que cette politique a des effets inverses à ceux attendus. Je souligne que grâce aux prestations sociales développées depuis 2007, et en particulier au « Capital maternel », les femmes accèdent à la propriété, ce qui leur permet de s'affranchir de la famille du mari, voire de divorcer de ce dernier. Par conséquent, j'observe une fragilisation de la famille élargie et un éclatement de la famille nucléaire dans certaines familles, en corrélation avec l'apparition du « Capital maternel ». Cet impact inattendu sur la structure familiale met en contradiction les objectifs principaux de la politique nataliste (qui vise avant tout à renforcer la famille traditionnelle) et les conséquences de son application. Cette analyse tend à montrer que la transformation de la famille ne correspond pas toujours aux objectifs de la politique qui l'engendre.

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Politiques familiales en Europe
vendredi 24 juin 2016