XVIIIème Colloque de l'Aidelf
Carmen Lavallée université Sherbrooke, Canada
Françoise-Romaine Ouellette, (INRS, Canada)
L'adoption de l'enfant du conjoint en droit québécois, une institution en porte à faux
Résumé:
Le principal objectif du droit québécois a toujours été de donner une famille à un enfant
abandonné. Dans ce contexte, l'adoption plénière, qui a pour effet de rompre tous les
liens de droit entre l'enfant et sa famille d'origine, a été le seul modèle retenu. Or,
l'adoption de l'enfant du conjoint vise pourtant un autre but, soit de maintenir l'enfant
dans son cercle familial. L'adoption de l'enfant du conjoint sert, le plus souvent, à
consolider les liens tissés entre un enfant et un beau-parent. L'adoption sert alors à
normaliser la famille recomposée. Toutefois, la logique de substitution de l'adoption
plénière a aussi pour effet de couper l'enfant de sa lignée d'origine au profit de celle du
nouveau conjoint. La recherche confirme également l'idée selon laquelle ce serait surtout
la filiation paternelle d'origine qui serait ainsi écartée (Belmoktar 2009, Fines 2003).
Ce type d'adoption a aussi permis de contourner certaines interdictions légales.
Longtemps utilisée pour transformer une filiation naturelle en filiation légitime, elle
permet aujourd'hui de reconnaître l'adoption par un couple de même sexe lorsque
l'enfant est originaire d'un pays qui ne l'autorise pas ou pour écarter le lien de droit entre
l'enfant et une mère porteuse au profit du couple demandeur. L'adoption du conjoint
apparaît donc en porte à faux, soit par rapport au modèle dominant de l'adoption
substitutive, soit au regard des objectifs qu'elle poursuit.
Pour faire face à ces difficultés, certains pays l'ont interdite ou limitée à des situations
particulières. C'est notamment le cas de la France. Or, cette solution ne semble pas non
plus satisfaisante. À l'heure où des réformes majeures du droit de la famille sont en
discussion en France et au Québec (Rapport Roy 2015 et Rapport Théry 2014), les enjeux
normatifs autour de l'adoption de l'enfant du conjoint illustrent qu'au travers cette
question, c'est la conception même de la filiation qui est remise en question.
Parent-enfant : lien rompu, reconstruit, complété
vendredi 24 juin 2016