Programme du Colloque



XVIIIème Colloque de l'Aidelf

Sadio Ba Gning Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal

Polygamie et relations intergénérationnelles au Sénégal : la place de la dernière épouse

Résumé:
La polygamie est souvent documentée dans la littérature en sciences sociales sous l'angle des relations entre un homme et plusieurs épouses. De fait les relations intergénérationnelles en son sein, et particulièrement entre les épouses ont été quelque peu étudiées. Comme en attestent les données du recensement (2002, 2014), très rarement le rang qui est saisi pour les femmes évoque soit le nombre de coépouses, ou encore, bien souvent, comme pour les hommes, le nombre d'épouses du mari. Or, basée sur un important écart d'âges au mariage entre les hommes et les femmes, la polygamie fait aussi cohabiter différentes générations entre les enfant et les épouses (plus âgées et plus jeunes), surtout lorsqu'on considère les écarts importants entre l'âge et le statut des épouses. Dans la société sénégalaise en effet où la polygamie bénéficie d'une reconnaissance sociale et légale, chaque rang d'épouse correspond à un statut différent. Dit autrement chaque épouse occupe un rang avec sa dénomination et ses caractéristiques. Selon Yacine Kane (2011) la première épouse ou « awoo buru kërëm », littéralement « la reine de la maison », occupe en fait une position peu enviable, connaissant souvent les déboires de l'arrivée d'une rivale. Considérée comme l'aînée parmi les autres épouses, la première joue un rôle déterminant dans l'organisation de la cuisine et des charges du ménage. Dans certains cas, la première épouse fait figure d'adjointe du chef de ménage et assume la responsabilité principale de la cuisine. La deuxième, « niarel, xaritu jëkërëm » (l'amie de son mari) est souvent la consolatrice des déboires du mari avec sa première. La « niétel » ou troisième épouse occupe une position qui vient équilibrer les tiraillements entre les deux premières épouses. La « nientel », quatrième femme, souvent la plus jeune, est la moins exposée à l'arrivée d'une nouvelle épouse. Étant donné la forte mobilité matrimoniale au Sénégal, ces positions sont loin d'être figées : par exemple de nombreuses premières épouses divorcent après l'arrivée d'une seconde (Antoine, Nanitelamio, 1996), dans ce cas la seconde devient alors la première. Pour appréhender le rôle de chacune des épouses en contexte de polygamie et de vieillissement et plus particulièrement le rôle de la dernière, parfois la plus jeune nous analyserons dans cette communication trois types des relations à travers un plan en trois parties : la première est consacrée à la relation entre les premiers enfants (garçons et filles) du chef de ménage, avec sa première épouse et ses épouses les plus jeunes (cadette ou benjamine) en particulier les filles. La deuxième relation qui mérite notre attention concerne les grands enfants et les plus jeunes épouses. Enfin la troisième et dernière relation qui nous intéresse ici se passe entre le mari polygame vieillissant et les jeunes épouses dont l'accès à la vie adulte coïncide, souvent avec le passage à la vieillesse ou à la fin de la vie autonome de leur conjoint. Sur le plan méthodologique, nous mobiliserons les données qualitatives de l'enquête FRES qui a porté sur une centaine de femmes dirigeantes de l'économie sociale et solidaire au Sénégal (2016-2017). Elles portent sur les trajectoires de femmes âgées entre 50 et 60 et plus, vivant pour la plupart en union polygamique en résidence commune ou séparée dans trois régions du Sénégal (Saint-Louis, Dakar et Ziguinchor).

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Vieillir en couple
jeudi 30 août 2018