Programme du Colloque



XVIIIème Colloque de l'Aidelf

Laurent Amiotte-Suchet Université de Lausanne, France
Annick Anchisi (Hesav, Lausanne, Suisse)

La « famille » religieuse, un autre modèle de solidarité.

Résumé:
Face à la perte d'autonomie d'un parent âgé, la mobilisation des proches constitue le premier ressort du maintien à domicile. Quand cette dernière fait défaut ou quand le niveau de dépendance devient trop lourd à gérer, le placement en institution pour personnes âgées dépendantes s'impose alors comme une nécessité. Sur ce plan, le cas des communautés de religieuses représente un exemple original d'institutionnalisation d'une prise en charge à domicile. Confronté à leur vieillissement et au manque de renouvellement, les communautés religieuses ne peuvent plus bénéficier de consœurs plus jeunes pour prendre en charge les sœurs âgées. Ces dernières n'ont pas d'autres famille que la communauté pour les accompagner au quotidien. Certaines communautés, conscientes de leur incapacité à assumer seule la dépendance croissante de leurs membres, se tournent alors vers les États et créent des institutions de soins à l'intérieur de leur couvent. Si elles peuvent continuer de vieillir « chez elles », elles doivent en contrepartie confier la gestion d'une partie de leurs maisons à des professionnel?le?s (directeur-trice, infirmières, aides-soignantes) et passent sous le contrôle des États. Mais si l'autorité des professionnel?le?s en matière sanitaire repose dès lors sur des conventions étatiques, les religieuses encore valides (parfois d'anciennes infirmières) demeurent présentes au quotidien et continuent de prendre soins de leurs sœurs âgées, en conservant au sein de l'établissement une marge de manœuvre bien supérieure à celle d'une simple famille de résident. Elles contrôlent par majorité les conseils d'administration, négocient avec les équipes de direction, interviennent auprès des soignantes, régulent en partie les admissions et surtout imposent le maintien du rythme conventuel à l'intérieur de l'établissement (offices religieux, déroulement des repas, etc.). Elles parviennent ainsi à maintenir les formes de sociabilité auxquelles elles sont attachées et à pérenniser les promesses d'assistance mutuelle sur lesquelles repose leur « famille » religieuse. Avec une chute des vocations depuis plusieurs décennies, aujourd'hui, la majorité des communautés de religieuses sont confrontées à la problématique du vieillissement. Face à la crainte de voir les sœurs âgées contraintes de quitter le couvent pour finir leur vie dans des institutions laïques, elles cherchent des solutions à plus ou moins long terme. Cette présentation s'appuiera sur une enquête ethnographique menée entre 2014 et 2017 dans des institutions de soins d'origine congréganiste, en Suisse et en France. Elle présentera l'originalité de ce modèle, au carrefour du maintien à domicile et de la prise en charge institutionnelle.

Vivre la fin de vie
vendredi 31 août 2018